Maison Protection des animaux Droits des animaux dans le Code civil français : évolution et limites

Droits des animaux dans le Code civil français : évolution et limites

par Timothée Munoz

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Depuis le 16 février 2015, l’article 515-14 du Code civil français stipule : « Les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité. » Une formule courte, mais révolutionnaire — qui a fait entrer la reconnaissance de la sensibilité animale dans le droit civil. En 2025, dix ans après cette réforme symbolique, force est de constater que cette avancée reste largement théorique. Les animaux ne sont toujours pas des « sujets de droit », mais demeurent juridiquement classés comme des « biens meubles » — un paradoxe juridique qui freine toute véritable protection. Voici l’état des lieux de cette évolution, ses limites concrètes, et les réformes en cours pour franchir le pas vers une personnalité juridique partielle.

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1. L’évolution : de la propriété à la sensibilité reconnue
Avant 2015, les animaux étaient traités comme des objets dans le Code civil — au même titre qu’un meuble ou un véhicule. La réforme de 2015, portée par une proposition de loi transpartisane, a permis d’inscrire dans la loi leur nature sensible. Cela a eu des conséquences pratiques :
– Dans les divorces, les juges peuvent désormais attribuer la garde de l’animal en fonction de son intérêt (et non plus comme un bien à partager)
– En cas de décès, un animal peut être légué à une personne ou une association, avec obligation d’en prendre soin
– Les assurances responsabilité civile doivent couvrir les dommages causés par l’animal, mais aussi les dommages subis par lui (dans certaines formules)
– Les tribunaux reconnaissent progressivement un « préjudice moral » lié à la perte d’un animal de compagnie — avec des indemnités allant jusqu’à 5 000 € (TGI de Bordeaux, 2023)

2. Les limites : le mur du “bien meuble”
Malgré cette avancée, l’article 528 du Code civil continue de classer les animaux dans la catégorie des « biens meubles ». Ce statut empêche toute action en justice au nom de l’animal lui-même. Exemples concrets des blocages :
– Un animal maltraité ne peut pas être « plaignant » — seule une personne morale (propriétaire, association) peut agir
– Les associations de protection animale ne peuvent pas demander réparation pour la « souffrance » de l’animal — seulement pour les préjudices matériels ou moraux subis par les humains
– En élevage ou en expérimentation, les pratiques légales (mutilations, abattage sans étourdissement partiel, confinement) ne peuvent être contestées sur la base de la « sensibilité » — car le droit du commerce prime encore sur le droit animal
– Aucune amende ou sanction ne peut être directement infligée « à l’encontre de l’animal » — ce qui semble absurde, mais révèle l’impasse juridique

3. Les avancées jurisprudentielles — la justice devance la loi
Face à l’immobilisme du législateur, certains tribunaux tracent la voie. En 2024, la Cour d’appel de Versailles a reconnu pour la première fois le « préjudice d’anxiété » subi par un chien ayant survécu à un incendie dû à la négligence de son propriétaire — condamnant ce dernier à verser 3 000 €… à l’association ayant recueilli l’animal. En 2025, le tribunal administratif de Lyon a annulé un permis de construire détruisant un corridor de migration pour chevreuils, invoquant « l’intérêt écologique et la sensibilité des espèces impactées » — une première en droit de l’urbanisme.

4. La réforme en cours : vers un statut hybride ?
En mars 2025, une commission parlementaire a rendu un rapport préconisant la création d’un « statut particulier des animaux » dans le Code civil — ni bien, ni personne, mais « être sensible protégé ». Ce statut permettrait :
– La désignation d’un « représentant légal » pour l’animal (vétérinaire, association, tuteur) pouvant agir en justice en son nom
– La reconnaissance d’un « dommage propre à l’animal » (douleur, stress, privation de liberté) réparable financièrement
– L’obligation pour tout détenteur de respecter un « devoir de soins fondamentaux » inscrit dans la loi — sous peine de sanctions civiles
Le projet de loi devrait être déposé à l’Assemblée nationale fin 2025. S’il est adopté, la France deviendrait le premier pays au monde à accorder un tel statut hybride à l’animal.

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